Il y a, dans le roman de Pierre Ménat, quatre, voire cinq narrations. Autant de récits imbriqués, qui trouveraient leur point d’unité dans l’attente – du moins selon l’auteur, ancien ambassadeur de France, notamment en Roumanie où se déroule une partie de l’intrigue principale. L’échec de ce livre vient effectivement de cette trop grande dispersion qui confond les styles, les intrigues, les genres littéraires.
Pierre Ménat, entre deux digressions initiales, prévient son lecteur, à moins qu’il ne tente de désamorcer par avance un reproche qui pourrait être fait à son œuvre : « À trop embrasser, on ne peut que mal étreindre. » Il nous est promis un captivant roman d’espionnage : maîtresse rusée, ambassadeur dupé, escroc habile, épouse blessée, amante flamboyante, fonds détournés, politiciens manipulateurs… Bien que peu habitué, j’ai tout de même goûté à ce genre, il y a fort longtemps, grâce à la belle plume de Vladimir Volkoff.
Un roman qui se perd en considérations multiples
Le roman d’espionnage, bien parti, se perd malheureusement dans une confession interminable et fastidieuse, quand ce ne sont pas des considérations philosophiques, peut-être intéressantes, certainement superfétatoires. L’auteur ne parvient pas à tenir son roman, à donner de l’épaisseur à ses personnages par l’intermédiaire de son intrigue principale. Il a recours à des artifices pour sonder son héros – un alter ego ambassadeur luxembourgeois – comme si l’écrivain cherchait davantage à raconter des épisodes de sa vie, sous une forme édulcorée, plutôt qu’à poser un acte littéraire.
« À part quelques secousses, notre vie est largement consacrée à une activité si courante que nous ne la reconnaissons même plus. Attendre est notre lot, quels que soient notre âge, notre condition, notre pays. En mangeant, en dormant, en travaillant, en aimant, nous attendons. En vivant, nous nous préparons à l’heure inéluctable de la mort. » (extrait)
Il n’y a guère à douter de l’expérience comme ambassadeur de Pierre Ménat : Roumanie, Pologne, Tunisie, Pays-Bas… L’homme, par sa brillante carrière diplomatique, ainsi que par ses activités comme professeur d’université ou comme consultant en affaires européennes et questions économiques internationales, a certainement vu beaucoup de manigances, de jeux de séduction dans les couloirs molletonnés du pouvoir.
Une promesse non tenue
C’est pourquoi la relation ambiguë, fondée notamment sur un quiproquo (la raison de la jouissance sexuelle éprouvée par la jeune femme roumaine), entre Magda Radescu et Luigi di Scossa apparaît de prime abord crédible, voire intéressante. Nous attendons les étapes de cette intrigue apparemment complexe, pour saisir ces enjeux de l’attente décrits dans le préambule. Et puis rien. L’intrigue est facilement dénouée, tandis que l’ambassadeur – le vrai, l’imaginé ? – continue de raconter ses mémoires, avant un long chapitre final dans l’au-delà, qui nous emmène encore ailleurs, pour de grandes divagations théoriques sur le monde, la philosophie, le politique, l’anthropologie, les religions…
Il y aurait beaucoup à dire sur ces rencontres du troisième type, notamment sur les théories énoncées. Il serait probablement intéressant de les discuter une à une, si elles n’étaient pas si nombreuses, si entremêlées.
J’en resterai au seul aspect littéraire : les quelques pages du roman d’espionnage auraient mérité un meilleur développement, moins de dispersion, plus d’approfondissement. Quant à la polymorphie de l’attente, je peine toujours à comprendre ce que l’auteur a voulu nous en dire…
Pierre MONASTIER
Pierre MÉNAT, Attendre encore, éditions du Panthéon, 2017, 293 p., 20,90 €.