Monsieur Piano, en costume et gilet bleu, fit un cours en cette année 2018 à l’Université de Naples devant une salle comble. Le sujet plaisait.

« Pauvres gens, nous dit-il : quand en 3018 une expédition venue d’une lointaine planète habitée visitera notre Terre, on s’apercevra de l’extinction, relativement récente, de la civilisation humaine.

« Les méta-savants qui composeront cette expédition avanceront des hypothèses, comme nous le faisions il y a un siècle pour tenter d’expliquer l’extinction rapide des dinosaures des millions d’années auparavant.

« Parmi ces hypothèses, retenons : les luttes entre clans, familles, Etats, classes, cultures, ethnies et langues qui séparaient irrémédiablement l’humanité ; le rejet de cette civilisation par la Terre elle-même, qui se révoltait d’être avidement massacrée, séismes, ouragans, inondations, réchauffements, glaciations, catastrophes à répétition ; la haine des autres vivants pour ces singes debout et conquérants, razzias effectuées par les baleines, les éléphants, les rats, et surtout par les microbes, peuplade qui semblait avoir pris le pouvoir ; ou, encore, le refus des femelles d’avoir des enfants, une extermination radicale des mâles. Ces explications paraîtront toutefois fantaisistes, ou trop anecdotiques, aux nombreux yeux bleus et aux longues antennes des méta-savants venus de la lointaine planète.

« Fouillant mieux les traces, analysant les restes des ordinateurs de cette civilisation, on privilégiera une hypothèse plus subtile. La réalité virtuelle et les intelligences artificielles promues pour l’avenir par cette humanité restaient élémentaires, balbutiements dignes d’un bébé de la planète lointaine : ça ne pouvait pas fonctionner avec des bases aussi simplistes, primaires. L’humanité dût se rendre compte que sa science étaient trop limitée, comme elle avait saisi les limites de la pensée de la paramécie. Elle comprit qu’elle n’avait inventé qu’une seule petite idée, certes magnifique, l’existence de Dieu. Nous mourûmes de notre incompétence. »

Une étudiante se leva, demanda ce que nul n’osait formuler : Comment, pauvre mortel déjà vieux, savez-vous ce qui se passera dans cent ans ?

Monsieur Piano répondit : D’abord, je suis un être de fiction, je fais ce qu’il me plait. Ensuite, mon auteur, un certain FC, a eu le culot de me tuer, lors d’un épisode antérieur, et s’il s’est rétracté, s’il m’a ressuscité, il n’a fait que confirmer mon immortalité. D’autres questions ?