A Sumer, trois mille ans avant notre ère chrétienne, on connaissait déjà le téléphone, un moyen de communiquer par transport des sons, assez semblable à celui qui sera vulgarisé des millénaires plus tard. De même que l’on trouve les prémices du numérique, et presque de Google, une façon immatérielle de transmettre des messages et de conserver des tonneaux d’informations, dès la fin du Moyen-Empire égyptien.
Les travaux, on ne peut plus précis, de Boris Ward et de Bénédicte Flouad, le démontrent : les traces de ces inventions existent, ne sont nullement cachées, secrètes, on peut facilement les consulter au Caire ou dans les caves des musées de Bagdad qui ont échappé aux guerres.
Pourtant, personne ne semble y attacher la moindre importance. L’oubli serait une constante de l’Histoire humaine. L’oubli du passé, bien sûr, et même l’oubli de ce qui ne date que d’avant-hier, de hier matin.
Car, on devrait tous le savoir : deux des désirs les plus ardents et fous de la pensée humaine, le don d’ubiquité et la possibilité de devenir invisible, ont été concrétisés au début du dix-neuvième siècle de notre ère. Le monde scientifique connait ces équations et ces formules chimiques qui dorment dans les archives des universités de Prague, de Berlin, de Toronto, ils sont là, à portée de main, telle la lettre d’E. A. Poe. Et pourtant, personne ne les utilise, même les Services Secrets, qui pourraient en abuser.
Serait-ce par peur, ou au nom d’une certaine éthique ?
Pas du tout : ce qui retarde l’usage de trouvailles qui ne sont pas immédiatement exploitées, c’est une autre constante encore plus forte que l’oubli, plus prégnante que la prudence, le vertige de l’inconnu ou la procrastination. C’est parce que l’on veut sans cesse croire que tout est nouveau, original. Si l’on vous montre que ce que l’on fait a déjà été pensé, ne serions-nous pas ridicules, nous les peuples des découvertes ?
Regardez les manifestations dans les rues : si l’on se rend compte que depuis les balbutiements de l’homo sapiens, et même depuis ceux des néandertaliens, un clan élit un chef pour aussitôt le dégommer, comment prendrions-nous au sérieux les révoltes en Chine, en Algérie, en France ?
L’humain ne veux pas savoir qu’afin de changer les choses on répète des actes archaïques. Alors, on garde sous le coude nos idées de génie, pour parfois les ressortir dans l’illusion d’une nouveauté, d’un progrès.