Regardez les images du récent G7 à Biarritz : ils sourient tous, de façon aussi épouvantable et figée que sur les publicités, qui ne font plus vendre mais nous permettent de croire à notre bonheur de vivre.
Lorsque je remue et retrouve mes souvenirs, j’affirme qu’aux dix-huitième et dix-septième siècles, en Occident et jusqu’en Orient, quand les princes, les rois, les reines prenaient la pose, ils ne souriaient pas, restaient sérieux malgré les pitreries, les grimaces et les barbouillages des peintres.
Au début de ce vingt-et-unième siècle, le sourire est obligatoire. Et pourtant, chaque protagoniste de ce ballet du G7 subit en son pays des émeutes, des luttes intestines, des crises sociales qui risquent de le chasser du pouvoir, et ignore comment rembourser sa dette. Et pourtant, chaque état est en guerre, commerciale, religieuse ou territoriale, contre ses voisins. Et pourtant, les cataclysmes se succèdent dans l’univers, tremblements, cyclones, inondations, sans compter les épidémies. Et voilà : on sourit comme si l’on dansait dans le meilleur des paradis.
Je n’ai pas souvenir que, dans les siècles passés, on aimait autant les catastrophes qu’aujourd’hui. Certes, la lenteur des communications en minimisait la portée, quand maintenant tout se sait dans l’immédiat, mais ce n’est pas la seule explication : autrefois on cachait volontairement les catastrophes, considérées comme laides, vulgaires, et surtout preuves de damnation. Je me rappelle ce village écroulé du sud ibérique, en 1422, dont les habitants interdirent toute visite ou aide étrangère avant de le reconstruire en secret, offrir de leur pays une image respectable.
Actuellement, les drames participent d’une grandeur artificielle qui adore mondialement se répercuter. Ce goût du cataclysme nourrit notre nouveau sentiment de l’inutilité, de l’impuissance. Et engendre l’appétit du jeu, du clownesque, de la démesure chez de nombreux dirigeants qui, en souriant toujours, pallient ainsi l’échec de la raison démocratique. Pensez à Boris, à Donald et tant d’autres puissants délirants qui jouent avec le feu pour notre plus grand plaisir d’un grossier spectacle permanent. Ce monde nous semble incontrôlable, dérisoire, futile : autant s’en amuser.
Depuis quatre mille ans, j’ai parcouru le monde humain, en compagnie de Tengo-san, mon chien de l’Asie, qui aboie à la lune.