La belle revue Septentrion, qui a pour vocation de faire connaître la littérature flamande et néerlandaise aux francophones, m’a demandé un papier sur l’ouvrage de Jan Brokken, Le Jardin des Cosaques. Il vient de paraître dans la dernière livraison de la revue.

Écrivain prolifique, Jan Brokken est encore peu connu des lecteurs français, faute de traductions de ses œuvres. À ce jour, il n’existe que deux ouvrages disponibles dans notre langue : Les Âmes baltes, paru en 2013 au éditions Denoël, dans une traduction de Mireille Cohendy, et dorénavant Le Jardin des Cosaques – qui raconte l’histoire d’une amitié de jeunesse, celle d’Alexandre von Wrangel et de Fiodor Dostoïevski, alors que celui-ci connaît un exil d’une dizaine d’années.

Extraits de ma critique, parue dans Septentrion 2, 2018 (p. 83-84).

Jan Brokken, Le Jardin des Cosaques (couverture)L’intérêt de cet ouvrage est de montrer en quoi le bagne sibérien, qui fut infligé durant un nombre d’année, pour une raison dérisoire, au pauvre homme Fiodor, fut un terreau d’une rare fécondité pour le romancier Dostoïevski. Alexandre von Wrangel en est l’unique et précieux témoin, de même que l’écrivain néerlandais s’en fait aujourd’hui le passeur.

Les deux hommes révèlent ainsi l’impétueux attrait de l’auteur de Crime et Châtiment pour les tréfonds de l’âme humaine. Insensible devant la beauté de la nature, il n’a qu’une obsession, que Jan Brokken parvient à transcrire tout au long de son récit : « La conduite de l’homme avec ses qualités, ses faiblesses et ses passions, accaparait toute son attention, le reste lui semblait sans importance. Il était toujours à l’affût de la moindre faille dans l’âme humaine ».

[…]

Les romans de Dostoïevski portent la marque, comme un stigmate, du fer sibérien : ils contiennent probablement une force tragique incomparable du fait de ces années d’exil.

C’est la finesse de Jan Brokken de nous ouvrir à cet accouchement, qui aurait été atroce sans la présence d’une altérité, d’un ami, d’Alexandre von Wrangel.

Pierre MONASTIER

Jan Brokken, Le Jardin des Cosaques (titre original : De Kozakkentuin), traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, La Librairie Vuibert, Paris, 2018, 24,90 €